Quels objectifs ?

 

Les conditions de vie des enfants, la manière dont ils sont éduqués et leur expérience des différentes institutions qui les encadrent sont des questions décisives pour comprendre comment se forment les citoyens de demain. Pourtant peu de travaux sociologiques ont été consacrés à la façon dont les enfants grandissent. Ainsi, de nombreuses recherches ont été consacrées à l’école. Elles ont apporté de nombreux résultats très intéressants pour comprendre l’origine des inégalités de réussite scolaire. En revanche, ce que l’école transmet comme valeurs, en fonction de la trajectoire des élèves, est relativement peu étudié. Par ailleurs, de nombreuses études ont été consacrées à la famille, mais l’enfant y est vu surtout comme le fils ou la fille de quelqu’un, et assez peu comme un individu qui développe lui-même ses propres expériences. Mais surtout, c’est la relation qui existe entre ce que l’enfant vit à l’école et ce qu’il vit en famille qui reste peu étudiée. Il faut pour cela comprendre les interactions qui existent entre les deux institutions et de quelle manière l’enfant se construit dans les allers et retours qu’il réalise entre le monde de l’école et celui de la famille.

En fait, la question est plus générale et concerne tous les « mondes » que traverse successivement l’enfant, de la naissance à l’âge adulte : famille « nucléaire » (parents et enfants), famille « élargie » (grands-parents, cousins, etc.), modes de garde, école maternelle, école primaire, collège, clubs et associations, etc. Seule une étude qui se donne les moyens de suivre les mêmes individus pendant plusieurs années (voire pendant toute l’enfance, comme nous en avons le projet !) peut répondre à ce type de questions. C’est ce que l’on appelle une étude longitudinale. Génération 2011 est une étude longitudinale qualitative (car elle est basée sur la méthode des entretiens in situ et donc sur un petit effectif) alors que l’Etude Longitudinale Française depuis l’Enfance (ELFE) est une étude longitudinale quantitative (car elle est basée sur la méthode du questionnaire ce qui permet de traiter de grands effectifs et de réaliser des statistiques). En sociologie, on dit que la première méthode permet de comprendre et la seconde d’expliquer. Bien entendu, les deux sont complémentaires. C’est pour cela que Génération 2011 a débuté la même année que l’enquête ELFE.

D’autres questions peuvent être abordées dans la même perspective. Ainsi, l’étude du langage des enfants, souvent traitée par les psychologues sous l’angle du développement (c’est-à-dire : quand et comment les enfants apprennent-ils à parler, en général) peut très bien être étudiée par les sociologues qui ont par ailleurs l’habitude d’étudier les façons de parler des adultes de différents milieux sociaux. Il s’agira alors d’étudier la façon dont s’organisent au fil du temps les différentes manières de parler des enfants.

De même, on s’interroge souvent sur les effets de la télévision, des pratiques sportives ou des jeux vidéo sur les comportements des enfants, sans disposer de connaissances scientifiques suffisantes pour analyser ces phénomènes dans leur dimension sociale. Là aussi, les rares études qui existent sont basées sur des enquêtes réalisées à un moment donné et non sur un suivi au long cours des enfants.

Une chose est sûre, le sociologue qui aborde la manière dont les enfants grandissent n’a pas du tout l’intention de classer les enfants ou de juger les parents. Il n’a pas non plus l’intention de tout ramener à une cause unique. Au contraire, les interactions entre les différentes dimensions de l’existence et  la diversité des pratiques sociales sont pour lui fondamentales. De la même façon, le point de vue des familles et celui des enfants sont pour lui très importants, car, un peu comme l’historien qui s’efforce de chercher des documents pour comprendre une époque très différente, il est pour lui essentiel de tenir compte de la spécificité des contextes et des points de vue. C’est aussi pour cela qu’il est important pour lui de nouer des relations de confiance avec les familles qui participent à l’enquête.